L'angoisse du téléphone


L’éleveur, juste avant de fournir son témoignage venait de recevoir un coup de fil du berger disant qu’une de ses bêtes s’était faite attaquer par l’ours :

« C’est un sacré problème. Les miennes, il n’y a même pas une semaine qu’elles sont montées et il y a déjà eu une attaque. On n’est pas tranquille, tu vois, quand c’est le berger qui appelle on ne sait pas ce qu’il y a.

 

L’an dernier, il m’en a tué une dizaine, à un collègue qui montait pour la première fois, il lui en a manqué 30 et un autre c’était une quinzaine. En plus pour trouver les bêtes ce n’est pas évident.Et sinon il faut couvrir le cadavre à cause des vautours.

 

Il y a deux ans, on avait un berger qui faisait partie de la pastorale pyrénéenne, il avait fait monter un parc, je n’ai pas voulu le mettre, je me suis fait remonter les bretelles pas la DDT. Le berger l’a mis pendant 2 ans. L’an dernier j’ai pris la responsabilité du groupement pastoral, je n’ai pas voulu le remettre et j’ai foutu le berger dehors ».

S'il n'a pas voulu de parc c'est pour le bien-être des bêtes, cette manière de procéder est contraire à la bonne conduite du troupeau et au fonctionnement physiologique de l'animal.

 

« On n’élève pas des brebis pour se faire bouffer par l’ours. Un jour, il y en a une qui s’était faite bouffer au niveau du poitrail, c’était arraché et tu voyais le poumon qui remontait. Elle était encore vivante, je l’ai redescendue dans le pickup, les gens ont pu voir… c’était une des miennes.

 

Il faudrait les sortir [les ours], je suis tout seul à travailler, je ne peux pas laisser tomber [le métier]. En 96 j’étais un des premiers à y laisser un bélier. L’ours faudrait qu’il disparaisse, ce n’est pas vivable, chaque fois qu’on a un coup de fil, on ne sait pas…Les bergers aussi en ont marre et puis après pour en retrouver un, c’est difficile.


Pour ce qui me reste à faire peut être que j’arriverai au bout, mais je plains les jeunes… »


06 juin 2016